Les familles d’Estinnes-au-Val en 1736 (BGH #012, p204, 1992)

Estinnes-au-Val, un village riche en histoire

Estinnes-au-Val est une localité à l’histoire riche et profonde. Traversée par une voie romaine menant de Bavay à Cologne, le développement du village est avéré dès les premiers siècles de notre ère. Au 8ème siècle, le village, alors domaine royal, accueillera un concile convoqué par Carloman 1er, roi des francs et frère cadet de Charlemagne. À cette époque carolingienne, le village détient le rôle de « fisc royal ». La carte de Ferraris de 1777 permet de situer géographiquement le village et son développement bien plus tard, à l’apogée de l’Ancien Régime.

Les villages d'Estinnes-au-Mont et Estinnes-au-Val sur la carte de Ferraris de 1777.
Les villages d’Estinnes-au-Mont et Estinnes-au-Val sur la carte de Ferraris de 1777.

La liste des chefs de famille en 1736

Grâce à un article paru dans le douzième bulletin généalogique Hainuyer en 1992, nous pouvons nous plonger dans le passé du village d’Estinnes-au-Val en l’année 1736. L’Abbé Auguste Soupart, historien et généalogiste de la région, y a transcrit une liste de 86 chefs de famille et de leurs possessions. L’importance d’un tel recensement est indéniable dans le cadre de l’établissement des impôts, en dressant auprès des autorités une image précise des richesses et des capacités contributives de chaque foyer. Au delà de cette simple liste, l’Abbé Soupart y a associé des notes complémentaires extraites des archives de la cure de la paroisse Saint-Martin à Estinnes-au-Val. On y trouve alors des liens familiaux (mariage, remariage, parents, enfants), des origines, des rôles clés assumés, des dernières volontés,… tous renseignements particulièrement intéressants pour les généalogistes.

La liste publiée dans l’article commence par ces cinq chefs de famille :

* Adrien BEUS. (2 livres) . Originaire d’Havré, il avait 26 ans lorsque le 21 juin 1734, il épousa à E.V.(Estinnes-au-Val) Marie-Joseph LECOMTE née le 3 juin 1712 à E.V., fille de Théodore et Philippine LEGAT. Ils eurent 5 enfants nés à E. V. entre 1734 et 1751.
* Adrien LEGAT. (2 livres) . Le 4 avril 1731 à E.V. il épousa Marie-Joseph MASCAUX née à E.V. le 29 avril 1711, fille de Charles et de Feuillenne CORNIL. Ils eurent 8 enfants nés à E. V. entre 1732 et 1750.
* Adrien (E)STIENNE. (20 livres, 14 sols, 2 deniers) propriétaire, tavernier, il possédait 2 vaches. Né à E.V. le 28 décembre 1709, fils de Charles-Claude et de Marie-Jeanne LEBRUN, il épousa Angèle PLISNIER dont il eut une fille Marie-Augustine née à E. V. le 2 mai 1746.
* Antoine BAIL. (4 livres). Originaire d’Haulchin, il épousa le 4 novembre 1704 à E.V. Nicole GONTHIER, née à E.V. en 1670, fille de Martin et d’Anne BARBIEUX. II en eut une fille Marie-Jeanne née à E.V. le 17 décembre 1705. Veuf, il se remaria le 23 novembre 1706 à E. V. avec Catherine BEURIOT. Il fit acte de formorture en faveur de sa fille en date du 19 mai 1707. Du second lit sont nés 4 enfants à E. V. entre 1707 et 1713.
* Antoine DELOR. (9 livres, 6 sols, 8 deniers) propriétaire, 2 vaches, 1 génisse. Le 1er novembre 1712 à E.V., il épousa Augustine BEURIOT dont il eut 6 enfants nés à E.V. entre 1713 et 1724.

* …

N.B. : la liste des 86 chefs de famille de 1736 à Estinnes-au-Val, dans sa version limitée aux données utiles à l’objectif originel (les impôts), est téléchargeable via ce lien (Prénom, Nom, capital, profession, cheptel).

L'église Saint-Martin d'Estinnes-au-Val. Crédit photographique : Jean-Pol GRANDMONT, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

L’église Saint-Martin d’Estinnes-au-Val. Crédit photographique : Jean-Pol GRANDMONT, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Des moyens financiers et des pouvoirs inégaux

Les données de cet article sont aussi des révélateurs des moyens et des inégalités à cette époque. La plupart des chefs de ménage d’Estinnes-au-Val en 1736 ne disposaient que de peu de moyens financiers, avec moins de 10 livres déclarées. Cela souligne la modestie des ressources de la majorité de la population. Cependant, une minorité se distinguait par des fortunes plus importantes, parfois jusqu’à environ 200 livres. Ces individus plus aisés étaient souvent des figures influentes du village et assumaient des rôles clés, tels que mayeur (l’équivalent du bourgmestre ou maire à l’époque) ou échevin. On peut citer, par exemple, Guillaume CLAUS, Jean DENEUFBOURG, Jean HEPTIAU et Philippe LEMYE qui furent mayeurs, ou encore Jean-François CAMPION, Jean-Baptiste DETOURNAY et Nicolas HANNECART qui furent échevins. Ces fonctions leur conféraient un pouvoir local et un rôle prépondérant dans l’administration et la vie communautaire.

Le travail de l’Abbé Soupart sur les archives de la cure nous offre également d’autres renseignements sur l’époque. On y trouve un aperçu des activités professionnelles qui animaient le village. Parmi les métiers mentionnés, on retrouve : tavernier, cordonnier, maréchal-ferrant, charron, clerc-marguillier, brasseur, négociant, gardien de barrière d’octroi, maître-charpentier, couvreur, agriculteur, éleveur et cultivateur. Ces fonctions nous donnent une idée de l’économie locale, principalement agraire, mais complétée par des commerces et des artisans essentiels à la vie communautaire.

La liste constitue aussi une description des animaux composant le cheptel villageois. Les chefs de famille étant recensés pour leurs chevaux, poulains, vaches, génisses et moutons. On constate ici aussi des disparités importantes, et on dispose d’une évaluation du total des animaux d’élevages du village en 1736, avec 131 chevaux, 18 poulains, 158 vaches, 18 génisses et 1414 moutons !

Du rire aux larmes : les triplés de Philippe Villers

Enfin, pour conclure notre exploration avec une touche d’humour un peu noir, arrêtons-nous sur le cas de Philippe VILLERS. Ce dernier, mentionné dans la liste des chefs de ménage, a eu la joie d’être père de triplés le 5 janvier 1744. Trois garçons, que les parents prénommèrent Gaspar, Melchior et Balthasar, une belle référence aux Rois Mages à la veille de l’épiphanie. Cependant, le bonheur fut de courte durée puisque ces enfants décédèrent à peine deux jours plus tard, le 7 janvier 1744 !

 

Décès de Gaspar, Melchior et Balthasar Villers, le 7 janvier 1744, à Estinnes-au-Val
Décès de Gaspar, Melchior et Balthasar Villers, le 7 janvier 1744, à Estinnes-au-Val

Notes

  • Le texte complet publié écrit par l’Abbé Auguste Soupart (BGH #012, pages 204 à 215, 1992) est accessible pour les membres, via le document renseigné ici.
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